Un amour passionnel. Evident, constant et facile. Quelque chose de beau, de rare, aussi. Quelque chose de trop beau, sûrement. Ainsi, tout ce qu'il donne, le Dôme peut aussi le reprendre. Aries était probablement trop heureux. Esther, trop paisible. Il fallait les détruire. Et ce drame est passé par la stérilité, puis la fertilité. C'est ironique, vraiment, d'avoir été contraints d'adopter pour, peu de temps ensuite, procréer aussi naturellement qu'il est possible. Une ironie sans humour, car Esther ne riait pas lorsqu'Aries s'est mis à la supplier de le laisser l'avorter. Il connaît l'Extérieur. Il le craint à raison. Et il l'a fait céder. C'est lui, lui qui a pris cette vie nichée, là, dans son ventre. C'est lui qui l'a assassinée. Qui les a assassinées toutes les deux, Esther et cette fille à naître. Elle n'a rien dit, mais elle ne pardonne pas. Elle ne le laisse plus approcher. La toucher. L'embrasser. Elle ne lui pardonne pas, c'est tout. Tout son Amour ne suffit pas à laver cette horreur en elle. Et ce drame dure depuis des mois... treize mois. Le coup de grâce, ce sera sûrement ce terrible moment où elle choisira de lui annoncer qu'elle s'est montrée volontaire pour sortir. Oui, elle veut se précipiter aux devants de tout ce dont il a souhaité la protéger. En vain.

Les amis d'Aries sont suffisamment rares pour mériter de l'attention ; Esther a facilement convenu de la valeur de Trisha, au point de s'en faire une amie à son tour. C'était agréable, en vérité, de découvrir quelques traits de son époux sous l'éclairage d'une autre femme. Sans jalousie. Des confidences contres lesquelles les hommes ne peuvent rien. Y compris lui. Y compris lorsqu'il s'agit de leur fille. Retirée aux entrailles de sa mère. De ses propres mains. Esther sait bien qu'elle n'aurait rien dû dire, et ça d'abord pour cette amie incapable d'enfanter. Mais c'était une vengeance. Et il le méritait. Il mérite, les yeux que Trisha va poser sur lui, il mérite qu'elle le voit comme le meurtrier qu'il est devenu... C'est aussi qu'Esther devait le dire, tout simplement. A quelqu'un. N'importe qui. En ce cas, autant lier la blessure à l'attaque ; panser ses plaies et en ouvrir ailleurs. Possible, aussi, que dans son cauchemar, Esther s'est convaincue que cette enfant à naître, c'est à Trisha qu'elle aurait pu la confier. Et, du même coup, la voir, toujours. Voilà ce qu'Aries aurait dû la laisser faire. Elle parviendra à persuader Trisha de cela... elle essaiera, et elle y parviendra.