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 Le Baiser de Judas – Eleni Kiriaki

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MessageSujet: Le Baiser de Judas – Eleni Kiriaki   Le Baiser de Judas – Eleni Kiriaki EmptyMer 14 Jan - 22:14

Les enfants ne sont vraiment pas ma tasse de thé.

Une fois par mois, je me demande pourquoi j’ai accepté la mission que m’a proposé mon grand-père, il y a un an et demi. La vérité, c’est que je m’ennuyais, dans mon morne quotidien. La cérémonie hebdomadaire, les confessions régulières, la préparation des discours… Tout cela commençait à me lasser. Les seules choses qui peuvent rompre cette monotonie sont les mariages et les enterrements. On y rencontre de jeunes (ou moins jeunes) femmes bien apprêtées, des êtres rassemblés en l’honneur d’une ou deux personnes, des dévergondées qui n’ont pas peur de coucher avec un prêtre au nom de la foi… Mais ces événements sont rares, trop rares pour moi.

Alors, quand mon évêque de grand-père m’a proposé de venir mensuellement en mission à l’orphelinat, je me suis dit que ce serait une bonne idée, que ça me changerait de public, d’environnement, tout ça. Avant cela, je n’ai jamais vraiment eu de contact avec les enfants – même quand j’avais leur âge. La première fois que je suis venu était donc une première, tout simplement.

J’avoue que j’ai été (un peu) déconcerté par leur… vitalité. La comparaison s’imposait d’elle-même : Je suis sûr que je n’ai jamais été comme ça, à leur âge. C’était devenu un défi : les comprendre, les captiver, les toucher. Les manipuler. J’ai fini par comprendre à quel point ma mission était importante : ils sont le futur de notre nation, leur foi doit être inébranlable. Oui, je l’avoue, au début j’ai apprécié ce travail. J’ai bien entendu eu plusieurs ratés – on n’intéresse pas les enfants de la même manière que les adultes.

C’est finalement une Mercy métisse qui m’a donné les clés pour les comprendre : le jeu, l’activité, la simplification des dogmes. Et surtout le sentimentalisme. Le Dôme nous protège, le Dôme nous aime, chacun de nous est unique à Ses yeux, nous devons Le servir à la mesure de Son amour. Nous étions si contents l’un de l’autre à la fin que nous avions fini par coucher ensemble. Une fois, deux fois, trois fois, et puis soleil. Je me suis désintéressé. Elle s’est vexée. Je crois qu’elle a pleuré sur l’épaule de sa collègue parce que celle-ci m’a témoigné beaucoup de mépris depuis. Je m’en suis amusé : les femmes et leurs histoires !

Aujourd'hui, je m’approche de l’entrée en soupirant. Voilà longtemps que ce petit jeu avec les enfants m’a lassé. À partir du moment où je les ai compris, ils ont commencé à m’ennuyer. Mais je garde ce poste en dépit de tout parce qu’il permet de me faire bien voir de l’Animus Vox – et tout ce qui est bon pour sauver ma réputation est à prendre. Et puis, ça varie de mon public de moutons, malgré tout.

Je frappe à la porte et attends qu’on m’ouvre. Depuis la cour, derrière le bâtiment, j’entends les cris des enfants qui chahutent, jouent ou se bagarrent. Travailler tous les jours avec eux doit être incroyablement fatiguant. Les secondes passent, je regarde pensivement la façade, qui mériterait un coup de peinture.

La porte s’ouvre enfin sur Eleni, celle-qui-ne-m’aime-pas. Dès qu’elle me voit, son expression se ferme et son regard devient méfiant. Dôme, qu'elle exagère... Une telle attitude m’incite à la pousser délibérément dans ses retranchements.

— Eleni ! je m’exclame avec un grand sourire. Comment vas-tu ?

Je prends ses épaules dans mes mains en un geste faussement affectueux. Encore un peu et je l’appelerais « ma chérie »…
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MessageSujet: Re: Le Baiser de Judas – Eleni Kiriaki   Le Baiser de Judas – Eleni Kiriaki EmptyMar 27 Jan - 21:51

Le Baiser de Judas
Eleni Kiriaki & Savatie Bastovoi


Il n'était pas rare que l'on reçoive toute sortes de gens à l'orphelinat. Eleni en avait vu défiler au fil des ans. Des scientifiques venus observer els enfants, les soumettre à des test, monter grace à eux des belles théories ou s'en servant pour les tester. Elle les voyait arriver toujours d'un mauvais oeil, par principe, ayant bien trop souvent constaté qu'ils ne voyait dans ces enfants que des pages vierges ou des données à analyser. Rares étaient ceux qui n'était pas impatients, durs, ou méprisants avec eux. Sans parler des médecins qui parfois allaient bien trop loin à son gout, comme s'ils étaient à mi chemin entre les immigrants dont on murmurait qu'ils servaient de cobayes dans des conditions atroces, et les citoyens de droit. Par la force des choses elle en était devenue suspicieuse. Il était bien loin le temps où elle accordait sa confiance aveuglément, ou elle croyait au meilleur en chacun de nous. Non, désormais Eleni était bien moins naïve, et bien plus méfiante. Elle n'avait pas tout à fait perdu sa facade en apparence candide, et elle pouvait être bornée et stupide lorsqu'elle était touchée elle-même, mais était bien plus lucide quand il s'agissait de ses orphelins et avait appris à vite évaluer. Et juger, malheureusement, un peu trop au premier regard. Elle qui avait longtemps été à donner une chance, à croire au meilleur avant tout avait finit par accepter de juger les gens sur sa première impression et si elle n'était pas bonne à s'en méfier comme de la peste, leur rendant la vie dure s'ils voulaient lui prouver le contraire. Au fil des ans, peu avaient eu grâce à ses yeux, tant qu'elle avait du revoir ses standards. C'était ainsi qu'elle avait finit par tolérer puis accepter Sasha. Sasha qui n'avait eu d'autre tort que de remplacer un autre membre qui n'avait pas trouvé grâce à ses yeux, et s'était racheté non pas par son amour inconditionnel des enfants, mais par le fait qu'elle les traite avec un peu moins de dégout et semble un peu plus impliquée auprès d'eux. Malheureusement, ces temps ci, Eleni devait se contenter de cela et ne pouvait que difficilement exiger plus. Elle n'avait pas été cruelle, insensible, dédaigneuse, mais au contraire semblait relativement concernée. Cela avait suffit.

Malheureusement, il y avait peu de choses qu'Eleni pouvait faire. Les ordres lui liaient les mains et si elle pouvait ne pas mettre du sien lorsqu'ils lui donnaient des ordres, elle ne pouvait aps non plus leur mettre des batons dans les roues sans risquer une sanction. Mais s'ils dérapaient, Eleni serait à l'affut, et n'hésiterai pas à dénoncer à ses supérieurs. On ne touchait pas à ses enfants sans représailles.
Malheureusement, s'il y avait bien une catégorie de gens à l'abri, c'était les membres de l'Animus Vox. Etant au bas de l'échelle, parole contre parole elle ne pouvait gagner. D'autant que sa place n'était pas importante et qu'elle était sur un siège éjectable à tout moment. Son ascendance pouvait vaguement la protéger mais elle ne pouvait trop tirer sur cette corde. Et des membres de l'Animus Vox pourris jusqu'à l'os, Eleni en avait vu passer. Et parfois, elle préférait oublier. Bien sûr, il y avait aussi les ragots, des choses qu'elle ne pouvait pas prouver, mais elle n'en pensait pas moins. Sa foi pouvait être aveugle, elle ne pouvait accepter les dérives.

Au final, Eleni était un peu une lionne protégeant ses petits et personne ne lui avait jamais reproché cela. Pour d'autres jeunes femmes qui occupaient la même position qu'elle, elle était devenu un modèle et un soutien inconditionnel. Son caractère poussaient les gens à se confier à elle. C'est ainsi qu'elle en avait appris des vertes et des pas mûres.

Eleni n'avait jamais été très prude. Elle n'avait jamais été dévergondée, loin s'en fallait. C'était un peu comme cela dans le Dôme, entre la peur de braver l'interdit et de concevoir un enfant sans permis, la honte que l'acte représentait quand on prêchait une sexualité épurée et uniquement tournée vers la reproduction, et l'excitation d'aller à contre-sens, beaucoup vivaient sur le fil sans réussir à choisir. Eleni avait eu ses aventures, mais n'avait jamais perdu la tête et s'était bien vite reprise de par son éducation. Pourtant, elle comprenait celles qui étaient moins prudente et se trouvait régulièrement dans la position de celle qui ne juge pas et sert seulement d'épaule. Ce qui la mettait aussi dans la position de celle qui entend toute sortes de récits, potins et déceptions amoureuses. C'était ainsi qu'Eleni par la force des choses se trouvait au courant de bien des secrets, et notamment celui d'une de ses collègues qui avait pris des airs de mauvaise aventure romanesque.

Elle avait bien entendu les rumeurs concernant Savatie Bastovoi, l'un des prêcheurs qui officiait régulièrement au sein de l'orphelinat. Elle ne l'avait pas apprécié particulièrement, mais elle l'avait vu passionné un temps par sa mission au sein de l'orphelinat, l'avait vu apprendre à adapter son discours et enfin l'avait vu galvaniser les enfants comme peu arrivaient à le faire en si peu de temps. Eleni avait appris que la raison de son succès tenait sans doute ou du moins en partie dans les conseils de son amie et collègue. Et que ces conseils avaient été donnés sur l'oreiller. Cela ne l'avait pas choqué, chacun était libre de faire ce qu'il voulait, même si personnellement Eleni avait trouvé cela stupide et dangereux de le fréquenter ainsi de manière répétée alors qu'elle était consciente des ragots à son propos. Ce qui devait arriver arriva, et son amie s'était faite éconduire alors qu'elle imaginait déjà échapper à sa vie dans ses bras. Depuis, Eleni s'était grandement refroidit à son propos, et lorsqu'il lui arrivait de côtoyer le père Bastovoi, elle restait prudente et particulièrement froide et distante. Il avait peut-être attrapé sa collègue dans ses filets, mais elle ne serait pas aussi naïve.

C'est ainsi que ce matin là, elle avait pris la place de sa collègue pour accueillir le prêtre de l'Animus Vox, pour ne pas la mettre dans une position dérangeante. Enfin, accueillir, Eleni lui ouvrirait et le mettrait au courant de ce qu'il faudrait faire, rien de plus. C'est ainsi que lorsqu'il se présenta à la porte de l'oprhelinat, bien avant l'heure à laquelle elle l'aurait attendu, elle se dépêcha d'aller lui ouvrir. Eleni comprenait bien qu'elle n'entretenait pas de faux-semblants et qu'elle ne ferait pas l'effort de cacher sa méfiance et son dégout. Bien consciente que non seulement il s'en apercevrait mais qu'en plus il pourrait en jouer, elle s'en fichait pourtant éperdument. Et il n'y manqua pas, sitôt qu'elle eut ouvert, la saluant, prenant des ses nouvelles en posant ses mains sur ses épaules. Comme s'il y avait la moindre affection entre eux. Eleni ne se permettrait pas de telles choses, leur relation tenait uniquement du travail et elle comptait bien garder les choses ainsi. Elle fut d'ailleurs particulièrement mal à l'aise, inquiète même à l'idée que d'autres puissent apercevoir son geste et l'interpréter mal. Vu la réputation sulfureuse qu'il avait finit par se traîner, véhiculée par au moins autant de faits que de ragots sans doute, Eleni préférait ne pas y être mêlée et c'est d'une voix froide qu'elle lui répondit :

- Comme d'ordinaire.

Elle ne prit pas la peine de lui retourner la question, dégoutée par son contact. Eleni n'aimait pas particulièrement ça, si elle était prompt à être elle-même tactile, elle détestait être forcée d'accepter ce genre de contact d'un parfait inconnu, ou pire que quelqu'un qu'elle n'appréciait pas comme c'était ici le cas. Si elle frisait déjà l'impolitesse, elle ne pouvait pas le repousser franchement, et s'écarta en lui faisant signe de rentrer. Après tout elle n'était pas tenue au fond d'être autre chose que professionnelle, et elle était bien prête à se cantonner à cela. Prenant la plaque de cire sur laquelle elle avait inscrit les tâches du jour, elle se dirigea sans se soucier de savoir s'il suivait vers le bâtiment principal.

- Vous êtes en avance mon père, les enfants ne sont pas encore prêts. Il est prévu pour aujourd'hui que vous entendiez les confessions si vous le voulez bien en plus de l'habituel sermon. Notre directrice n'a pas fixé les choses, vous pouvez choisir de faire votre prêche et de recevoir ensuite le personnel et les enfants, selon vos disponibilités, ou de recevoir un certains nombres dans le confessionel puis de livrer votre sermon.

Eleni avait bêtement lu les instructions qui lui avaient été données sur l'emploi du temps du père Bastovoi. Malgré des déboires de plus en plus publics il restait malgré son "simple" rang de prêcheur un homme relativement haut placé de par son ascendance. Quelqu'un a ménager pour ne pas être entrainé dans sa chute ou pour ne pas être mis de côté s'il parvenait un jour à remplacer son grand père en tant qu'évêque. Eleni savait qu'elle avait une marge de manoeuvre réduite, il était bien au-dessus d'elle dans la hiérarchie et ne pouvait trop discuter ses ordres, mais si cela voulait dire qu'elle devait être correcte, polie, serviable voire même obéissante, cela ne voulait en revanche pas dire qu'elle était tenue à le mettre à l'aise. C'était une ligne dangereuse à tenir, mais elle la tiendrait.


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MessageSujet: Re: Le Baiser de Judas – Eleni Kiriaki   Le Baiser de Judas – Eleni Kiriaki EmptyJeu 29 Jan - 14:20

Je me mords discrètement l’intérieur de la joue pour ne pas arborer un grand sourire. Son air excédé est parfait ! Elle jette un coup d’œil nerveux derrière moi – sûrement inquiète qu’on nous surprenne ainsi – puis recule pour me laisser entrer. Je sens à l’hostilité de son regard qu’elle s’est retenue de ne pas se dégager brutalement de mon étreinte. J’admire son sens des convenances : même s’il n’y a personne pour nous observer, elle garde une attitude très professionnelle. Coincée, même, dirais-je.

Une vraie Mercy dans l’âme !

J’entre donc, puisque j’y suis si cordialement invité. L’entrée est petite et sombre, tout comme le reste du bâtiment d’accueil – les pouvoirs en place n’accordent pas beaucoup de subventions pour les pauvres petits orphelins. Je sais que beaucoup d’enfants doivent dormir à quatre ou cinq dans une seule chambre, que les nounous (comme je les appelle) sont débordées mais qu’elles ne peuvent avoir de renforts, et que les repas sont médiocres (je suis resté quelques fois pour le goûter, et jamais je n’ai pu finir une seule des portions qu’on m’a données. Mais peut-être ai-je des goûts de luxe…).

Triste monde.

Eleni circule dans l’établissement d’un pas nerveux, en direction du bâtiment principal. Je la suis mécaniquement, en posant un regard intéressé sur ses fesses bien modelées. C’est une fille bien faite, avec de jolies rondeurs, mais si jamais elle accepte la moindre avance de ma part je veux bien qu’on me coupe la main droite ! Je la connais assez pour savoir qu’elle est plus que moralisatrice (et j’ai horreur de ça). De son côté, elle en sait assez sur moi pour que sa raison lui fasse refuser toute proposition de ma part. « Vous viendrez bien déjeuner avec moi, Eleni ? » ; « Désirez-vous que je vous raccompagne chez vous ? » ; « Je peux venir vous aider plus souvent, si vous le souhaitez… » Aucune technique d’approche ne saurait marcher avec elle. Cette femme est une vraie forteresse. Et quel dommage…, me dis-je en examinant de plus belle sa silhouette.

Je la vois survoler du regard l’habituelle plaque de cire où est rédigé le programme de la journée. C’est alors qu’elle commence à me détailler mon planning d’un ton morne et professionnel. Je profite du fait qu’elle me tourne le dos pour lever les yeux au ciel et soupirer discrètement. Sa manière de se cantonner au règlement de manière millimétrique m’agace. En un an et demi, je n’ai jamais vu aucune fantaisie émaner d’elle. Son principal centre d’intérêt sont ces enfants abandonnés, qu’elle protège comme une mère poule. Ou plutôt comme une lionne. Une fois, je l’ai vu rabattre le caquet à un médecin (pourtant pas trop mal placé) qui disait que ces garnements ne servaient qu’à soutenir les progrès de la science. Ça m’avait plutôt impressionné…

— Je ferai le sermon en premier. Ensuite je m’occuperai des confessions, fais-je tout en m'efforçant d'employer un ton aussi plat que le sien.

Ce qui est logique : nourrir les pauvres âmes de préceptes moralisateurs pour les faire culpabiliser, avant d’entendre leurs péchés et de leur faire jurer de ne plus recommencer. Tous les prêtres font ça. C'est le meilleur moyen d'avoir de fervents amoureux de la religion.

Et soudain, j'ai envie de prendre les choses en main et de m'amuser à ses dépends :

— J’espère bien entendre la vôtre, ma chère Eleni ! Quoi que je me demande ce que vous auriez bien à dire, vous êtes si bonne… Allons, vous avez bien ressenti de la colère envers l’un ou l’autre de ces garnements qui persistent à jouer avec la nourriture ! Peut-être avez-vous été désagréable avec une de vos collègues ? Non, laissez-moi deviner : vous éprouvez des sentiments impies pour un jeune homme. Vous avez peut-être une liaison ? Allons, c’est normal ! Une jolie fille telle que vous ne peut qu’attirer les regards…

Je me retiens in extremis d’embrayer sur son âge et de souligner le fait qu’elle ne soit pourtant plus toute jeune. C'est une remarque inutile et inutilement cruelle – et nombre de femmes ne la pardonnent pas. Je me contente d'afficher un sourire supérieur que je sais être assez irritant.
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MessageSujet: Re: Le Baiser de Judas – Eleni Kiriaki   Le Baiser de Judas – Eleni Kiriaki EmptyMer 4 Fév - 9:50

Le Baiser de Judas
Eleni Kiriaki & Savatie Bastovoi


Eleni avait toujours été bien plus facile à décrypter qu'elle l'aurait pensé ou voulu. C'était une facette de sa personnalité qu'elle n'avait jamais réussit à corriger, qui pouvait se révéler dangereuse et qui pourtant contribuait à la rendre bien plus attachante et à lui faire confiance instinctivement. Comme elle retenait rarement ce qu'elle avait en tête, même lorsqu'elle ne les formulait à voix haute, on pouvait aisément deviner ce qu'elle pensait de tout. Mystérieuse, pas pour un sou, elle était plutôt un livre ouvert. Comme tout un chacun elle avait ses secrets, mais tenir une façade impassible était bien plus complexe pour elle que pour d'autre. Et son dégout devait sans problème se lire dans son attitude, pourtant elle s'en moquait éperdument.

Elle pouvait sentir son regard sur son corps, insistant certainement sur ses fesses, la tombée de ses reins. Elle pouvait tellement bien l'imaginer. Peut-être était-il simplement victime de rumeurs de rivaux, peut-être était-il très différent de ce qu'il laissait apparaître et le jugeait-elle cruellement ? La pensée l'effleura une seconde, ridicule la suivante. Eleni avait bien trop souvent cherché des excuses à bien trop de gens, cherché à justifier leurs actions ou leurs motivations. La patience s'était épuisée, et Eleni s'était retrouvée à ne plus avoir la force de chercher plus loin que ce que ses yeux voyaient, que ce que ses oreilles entendaient, ou du moins pour des causes perdues ou des gens qui n'en valaient à ses yeux pas la peine. Bastovoi était de ceux là. Ils se cotoyaient dans son travail, point. Elle n'avait pas besoin de lui, bien qu'elle n'était pas dépourvue de crainte. Il pouvait placer un mot pour elle qui lui ferait du mal. Et elle ne pouvait pas se le permettre. Alors, elle endurait, mais se fichait éperdument des motivations et des excuses qui pourraient exister. Il ne toucherait pas aux enfants, c'était tout ce qui comptait, pour le reste, elle encaisserait.

Elle hocha la tête, notant sur sa tablette, prenant ses dispositions pour arranger son emploi du temps. Eleni avait retenu une grimace quand on lui avait dit qu'on chargeait Bastovoi des confessions cette semaine. Elle avait entendu les vilaines rumeurs sur ce qu'il faisait avec les jeunes femmes recherchant une rédemption dans le confessionnal. Sa collègue la première. Mais il ne ferait rien aux enfants, elle s'en assurerait, et elle avait encore cette conscience qui l'empêchait de penser que quelqu'un pourrait leur faire du mal, aussi dépravé qu'était Savatie Bastovoi, il n'oserait. Et puis, les jolies jeunes femmes semblaient bien plus à son gout. Ses paroles la glacèrent, et la dégoutèrent avant de faire place à une colère sourde.

- Ma confession, Père Bastovoi ? Non, je ne pense pas que vous l'entendrez. Aussi étrange que cela puisse vous paraître, je n'ai rien à me reprocher. Et peut-être plus étrangement encore, je ne suis pas esclave de mes sentiments ou de mes pulsions.

Pourtant, le Dôme savait qu'elle avait des choses qui pesaient sur son coeur. Des sentiments contradictoires qu'elle n'en savait quoi faire. pour Jarek, envers le gouvernement qui lui faisait peur. Ces dernières pensées, ce n'était pas un péché envers le Dôme, pas directement. De plus en plus, elle doutait de la capacité de l'homme, ô combien faillible, à écouter, comprendre et réellement transmettre et remplir la volonté du Dôme. Devait-elle se confesser de penser ainsi ? Non. Sa discussion avec Jarek l'en avait convaincu, ces pensées là elle devait les enfouir profondément, ne jamais en parler de nouveau. Tout comme elle n'y avait pas été préparée lorsqu'elles l'avait frappé, les autres n'étaient pas prêts à écouter cette vérité.
La colère lui monta toutefois, oui elle aurait pu avoir des choses à confesser mais ne chercherait pas à le faire. La pensait-il si vaine, si stupide comme ces riches jeunes femmes qui venaient dans le confessional chercher la rédemption par tous les moyens possibles et surtout par ceux qu'il leur pointait ? Non, non peut-être dans une autre vie où elle aurait été une de ces jeunes femme vide de sens. Mais pas elle, pas aujourd'hui. Elle vivait pour les autres, et si sa vie n'était pas dénuée de petits péchés elle avait toujours été fière de la manière dont elle vivait. Contrairement à beaucoup elle vivait dans les préceptes de l'ordre, et cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas vécu dans le péché. Son ton l'insupportait, et non sans une colère froide elle se tourna vers lui et ajouta à voix basse :

- Je ne suis pas sourde à ce qui se passe. Je ne suis pas une de vos pauvres âmes éplorées cherchant la rédemption par tous les moyens possible, suspendue à vos paroles. Pitié épargnez moi le sourire et les paroles faussement moralisatrice, je pense que vous auriez à apprendre de moi.

Eleni s'interrompit alors qu'un de ses collègues passait dans le couloir. Elle le salua d'un signe de tête, attendant qu'il ait tourné au bout du couloir. Eleni savait qu'elle était allée loin, peut-être trop loin. Mais en même temps, elle soupçonnait être dans le vrai, et ne croyait pas que ces rumeurs étaient vides de sens. Sa collègue avait été honnête quand à ce qui s'était passé entre eux, et Eleni la croyait aveuglément. L'interruption avait permis à la jeune femme de reprendre un peu ses esprit et d'une voix glaciale mais sans colère elle finit :

- Donc non, Père Savatoi, pour tout l'or du monde je ne m'enfermerai pas dans un confessionnal avec vous, je sais ce qui s'y passe dans ce cas là, et vous n'attraperez pas toutes vos ouailles ainsi.

Comme si rien ne s'était dit, elle regarda par la fenêtre l'heure à l'horloge de la cour centrale et se reporta à sa tablette de cire. Il manquait juste une dernière chose avant de pouvoir continuer.

- Et pour l'amour du Dôme, mes yeux sont plus haut que ça.

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MessageSujet: Re: Le Baiser de Judas – Eleni Kiriaki   Le Baiser de Judas – Eleni Kiriaki EmptyLun 9 Fév - 13:09

Elle n’est pas vraiment en colère. Disons plutôt qu’elle se contrôle, mais que la rage est là. Je jubile intérieurement, mais je ne suis pas satisfait. J’aimerais la voir vraiment furieuse. J’ai déjà un début, mais ça ne me suffit pas. Une expression dégoûtée se peint sur son visage. Je suis quand même étonné : étant donné que je m’attaque à elle et non à ses enfants, je pensais qu’elle se serait écrasée. Qu’elle aurait changé de sujet. C’est une fille discrète, cette Eleni. Enfin, c’était, apparemment…

Je souris discrètement quand elle prétend n’avoir rien à se reprocher. On a toujours quelque chose à cacher. La conscience morale que nous dicte l’Animus Vox est sans faille. Le simple désir d’embrasser quelqu'un d’autre que son mari (même fugitivement) est perçu comme un péché pré-adultérin – voir adultérin pour les prêtres les plus puristes. Un mouvement de colère envers l’ordre religieux est un acte de rébellion. Un achat sur le marché noir est une atteinte à l’économie officielle. À ce stade, même les enfants ne peuvent plus être innocents.

Et moi, je suis sûrement l’âme la plus corrompue de tout le Dôme.

Et je souris en me disant cela, et je me fige lorsque la « douce » Eleni, passé l’échauffement, m’attaque avec un peu plus de vigueur. Je vais peut-être la voir en colère, tout compte fait… Sans hésiter, elle joue sur le tableau de ma réputation – ma faiblesse parce que je fais peut-être encore trop attention à mon image.

Et ses arguments sont fondés. Oh que non, elle ne ressemble pas à une de mes « pauvres âmes éplorées » – on peut lui accorder cela ! Aucune ne se serait risquée à se défendre de moi de la sorte. Et oui, je le reconnais, j’ai réellement à apprendre d’elle. Ce n’est pas la première fois que je me retrouve devant une femme en colère, mais jamais dans ces conditions. Pour moi, il y a toujours eu une séparation à l’origine des disputes. Et encore, disputes… Elles finissent toutes par s’écraser au bout de quelques minutes.

Car je ne me suis jamais risqué à quêter de l’affection ailleurs que parmi mes brebis. Par paresse, évidemment, et peut-être aussi par frilosité. Mes dévotes me vénèrent, aucune n’aurait pu refuser un peu d’intimité avec moi, quitte à ce que ça ne dure pas. On ne refuse rien à un prêtre quand on croit fermement que le Dôme veut son bon plaisir. En revanche, tenter le coup avec les autres femmes serait risquer de se voir attribuer un refus clair et net tout en perdant du temps à les séduire. Ce n’est pas ce dernier point qui me refroidit le plus – il m’est déjà arrivé de passer de long mois à draguer les plus belles prudes de ma paroisse (notamment une qui venait de se marier et qui aimait profondément son conjoint). Mon record : treize mois. Treize mois d’attente et d’efforts pour entrer dans le cercle de confiance de cette jeune mariée, pour devenir son confesseur, pour louer sa beauté et sa tendresse, pour la rassurer, et finalement, pour me la faire pendant deux mois. Seulement.

Autant vous dire qu’elle a très mal pris notre séparation. Elle qui avait tout sacrifié pour moi – sa vertu, son mariage, son innocence – s’est retrouvée laissée pour compte. Elle a déposé un long texte chez moi pour me dire à quel point elle se sentait mal de s’être laissée entrainée dans cette situation, combien elle s’en voulait de m’avoir fait confiance et d’avoir été faible. Je sais qu’elle a tout avoué à son mari, qui a failli la répudier, mais qui finalement s’est laissé attendrir. Je sais qu’ils attendent l’autorisation pour avoir un enfant, mais je sais aussi que plus rien ne sera jamais comme avant entre eux.

Est-ce que je m’en veux ? Pas vraiment. Ce n’est pas de ma faute si je me suis lassé d’elle. Je n’allais pas me forcer à la garder si je n’en voulais pas. C’est dans ma nature : je passe rapidement à autre chose. Parce que je ne m’investis jamais totalement dans mes relations, et que je garde toujours une certaine distance qui m’empêche de trop m’attacher. Mes études m’ont permis d’apprendre qu’on appelait les personnes comme moi des Don Juan ou des Casanova, autrefois.

Un collègue passe dans le couloir, et j’espère, un peu inquiet, qu’il n’a pas entendu les accusations d’Eleni. Malgré les apparences, je tiens un minimum à ma réputation – c’est elle qui me permet de manger à ma faim. Je le vois me jeter un coup d’œil discret, à la fois curieux et gêné, et je comprends qu’il a tout entendu. Dommage…

Mon interlocutrice attend qu’il s’en aille avant de poursuivre sa fusillade. Elle écorche volontairement mon nom, et le mépris qui découle de sa prononciation est tellement flagrant que je sens la colère monter en moi. C’est donc tout ce qu’elle peut faire ? Cette attaque, aussi basse et ridicule qu’elle puisse être, est également injustifiée et révoltante. Mes poings se ferment discrètement.

— Et pour l’amour du Dôme, mes yeux sont plus hauts que ça, m'achève-elle sur un ton définitif.

Belle conclusion. Je m’apprête à riposter vertement, quand le collègue revient, visiblement mal à l’aise :

— Hem, excusez-moi… Le prêtre est attendu dans la cour par les enfants.

Je me retiens de jeter un regard hostile à Eleni et j’emboite le pas à son camarade. Il est l’heure pour moi de faire mon travail. Je reviendrai à elle plus tard…

Tandis que je suis le Mercy, je m’efforce de retrouver mon calme. Cette situation, je l’ai provoquée. Les conséquences sont donc de ma responsabilité. Si je dois chercher un coupable, je dois le trouver en moi-même uniquement.

Arrivant devant les enfants, mon visage change et affiche une grande jovialité. Ils m’accueillent avec de grands cris de joie, et je caresse la tête des plus proches avec paternalisme.

L’heure qui suit est ponctuée de discours et de jeux et d’activités moraux – le but étant que les gamins s’imprègnent de l’Animus Vox en s’amusant. Je leur fait faire des dessins religieux sur des tablettes de cire, puis un discours explicatif, des QCM, et je termine avec le jeu principal. Quatre enfants font une ronde autour de deux autres tandis que les derniers jouent les particules nocives de l’extérieur qui cherchent à entrer. Les quatre enfants doivent les empêcher d’atteindre les deux humains. Le but : leur montrer la nature protectrice du Dôme. Mais mon objectif final est de les emmener un jour près de ses parois pour qu’ils puissent visualiser sa structure.

— Vous comprenez pourquoi il faut que vous soyez bons les uns envers les autres ? Le Dôme nous aime tous. Fraternité et serviabilité doivent être votre quotidien. À aucun moment, vous ne devez vous laisser envahir par la haine et le mépris car chaque homme est votre frère. C’est ce que professe l’Animus Vox et vous devez le respecter car ses représentants sont la voix du Dôme.

Ils m’écoutent, mais cela fait presque un quart d’heure que je parle et je vois leur attention décliner. Je tape brutalement dans mes mains pour les réveiller.

— Très bien ! Nous allons passer aux confessions. Vous avez dix minutes pour vous préparer et vous viendrez me rejoindre dans ce coin. Tout le monde sait comment fonctionne une confession ?

Ils hochent la tête.

— Je vous retrouve tout à l’heure.

Et je les quitte, à la recherche d’Eleni. Pendant toute l’heure, j’ai été travaillé par un certain désir de vengeance, et une idée particulière me trotte en tête. Je me rappelle son air dégoûté quand elle a compris que je lui faisais des avances et j’ai bien envie de profiter de la situation.

C’est au détour d’un couloir que je la trouve, affairée à noter je-ne-sais-quoi sur sa tablette. Un lieu de passage : une aubaine pour moi ! Je la plaque contre le mur et je fixe fermement mon regard dans le sien.

— Vous pensez avoir le dernier mot ? chuchoté-je. Faites attention, ma chère, il serait plus sage de ne pas me mettre en colère. Vous n’êtes pas invulnérable, loin de là.

Et je colle férocement mes lèvres aux siennes, et je l’emprisonne dans mes bras, et je fais tomber sa tablette de cire dans l’espoir de rameuter du monde. Que tous la voit embrasser le prêtre pervers !

Mais j’ai la déception, quand je relève la tête, de ne voir personne.

Et puis, une porte s’ouvre, et la jeune métisse avec qui je suis sorti apparaît.
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